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Martial Guédron
The Physiognomy of the Grimace in the Late Enlightenment
The late eighteenth century marked a key stage in the long history of the ideal form of bearing, demeanour and deportment in the economy of facial movement. The great syntheses on neo-classicism often forget that this monist aesthetic stimulated a compensatory interest in signs that were aleatory, ambiguous or falsifiable. From the early Enlightenment, an attraction for the individualistic, the strange, the grotesque and the caricatural was set up in opposition to the model of ideal beauty offered by the sculpture of classical Antiquity, with its emphasis on embodiment of stoicism, on control of passions and on tranquil grandeur. In this period in which the spectacle of ‘grimacers’ experienced a remarkable success, notably in Paris, certain artists took to portraying the face in an unseemly rictus, thereby contradicting the idea of self-mastery and noble tranquillity dear to Winckelmann’s disciples. In addition, the question of the grimace acquired unprecedented importance in theoretical discussions of the arts. This was evident for example in the article devoted to the subject in the Dictionnaire des Beaux-Arts of l’Encyclopédie Méthodique, whose first volume appeared on the eve of the Revolution. Continuing arguments that one finds scattered throughout the eighteenth century, Claude-Henri Watelet here explained that the grimace was not simply a bodily sign ; like a number of his contemporaries, he proposed to regard it as a symptom of the state of civilisation. Watelet realised that no one hitherto had really tried to define this idea nor to legitimise its use from the perspective of art history. It is true that it was not a new idea that the proscription of mimicry contributed to a quest for truth, beauty and purity over against artifice, luxury and frivolity. But Watelet’s developments of the idea had a certain resonance and were picked up by the Idéologues in the final years of the eighteenth century. In as far as the whole period was obsessed by the issue of dissimulation and by everything that inhibited transparency, one of the great ambitions of the Revolutionary years would be – to paraphrase Rousseau – to ensure that all citizens felt themselves ceaselessly under the gaze of the public. This gave rise to the popularity of different semiologies of the body and the face – notably physiognomy – by means of which it was thought that marginals could be identified and suspects unmasked.
Studies of representation of the body during the French Revolution have allowed us to identify very distinct typologies based on a dialectical opposition between the emotional, corrupted or depraved body on one hand and the luminous body of regenerated man on the other. What was true for the whole of the bodily outline and accessories (clothes, hairstyles, appearances) was also relevant for the face, viewed as the true revelation of individual character. As a pamphleteer noted, it was necessary to examine ‘masks and grimaces so as to detect falseness and to discover deformed appearance from within’. That the period was marked – in arts and letters and in public life – by a wish to be done with the grimace is patent. But was it anticipated that the face of a new man would emerge miraculously ? Or, on the contrary, was the idea that this turning-point would give rise to new prescriptions ?
Physiognomonie de la grimace en France au tournant des Lumières
Si l’idéal de contenance, de retenue et de maintien dans l’économie des mouvements du visage a connu une longue histoire, la fin du XVIIIe siècle en constitue une étape essentielle. Les grandes synthèses sur le néoclassicisme oublient parfois que cette esthétique moniste a éveillé, comme par compensation, un intérêt pour les signes aléatoires, ambigus et falsifiables. Ainsi, au modèle de la beauté idéale offert par la sculpture de l’Antiquité classique, incarnation du stoïcisme, des passions maîtrisées et de la calme grandeur, s’oppose, dès le tournant des Lumières, une attirance pour l’individuel, l’étrange, le grotesque et le caricatural. En cette période où le spectacle des « grimaciers » connaît, notamment à Paris, un succès sans précédent, non seulement certains artistes se plaisent à afficher des rictus intempestifs, contredisant ainsi l’idéal de maîtrise de soi et de noble tranquillité des disciples de Winckelmann, mais la question de la « grimace » prend une importance inédite dans les discours théoriques sur les arts. En témoigne l’article qui lui est consacré dans le Dictionnaire des Beaux-Arts de l’Encyclopédie Méthodique,dont le premier volume paraît à la veille de la Révolution. Reprenant à son compte certains arguments dont on trouve des occurrences tout au long du XVIIIe siècle, l’académicien encyclopédiste Claude-Henri Watelet y explique que la grimace ne se réduit pas à un signe corporel ; comme plusieurs de ses contemporains, il propose d’y voir le symptôme de l’état de la civilisation. Il sait que personne, avant lui, n’a vraiment tenté de définir cette notion, ni de légitimer son emploi du point de vue de la théorie de l’art. Certes, les arguments suivant lesquels la proscription des mimiques participe d’une quête de la vérité, de la beauté et de la pureté contre l’artifice, le luxe et la frivolité ne sont pas tout à fait nouveaux. Mais les développements qu’il y apporte prennent une résonance particulière et sont repris par les idéologues français des dernières années du XVIIIe siècle. De fait, si la période est obsédée par le problème de la dissimulation et par tout ce qui peut faire obstacle à la transparence, une des grandes ambitions des années révolutionnaires va être, pour paraphraser Rousseau, de faire en sorte que tous les citoyens se sentent, incessamment, sous les yeux du public. D’où le succès des différentes sémiologies du corps et du visage — en particulier de la physiognomonie — au moyen desquelles on pense pouvoir repérer les marginaux et démasquer les suspects.
Les travaux consacrés aux représentations du corps durant la Révolution française ont permis de dégager des typologies bien distinctes, fondées sur une opposition dialectique entre le corps affecté, corrompu et dépravé et le corps lumineux de l’homme régénéré. Dans cette affaire, ce qui vaut pour l’ensemble de la silhouette et pour ses accessoires, comme les vêtements, les coiffures et les parures, vaut plus particulièrement pour le visage, véritable révélateur du caractère des individus : comme l’écrit un libelliste de l’époque, il s’agit d’examiner les « masques et les grimaces pour y voir le faux et découvrir de dessous une apparence déformée ». Que l’époque ait été marquée, tant dans les arts et les lettres que dans la vie publique, par une volonté d’en finir avec la grimace, ne fait donc guère de doute. Mais s’attendait-elle à ce que le visage de l’homme nouveau surgisse comme par miracle, ou, au contraire, considérait-elle que cette résolution devait donner lieu à des prescriptions spécifiques ?
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